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1948 : le gold yuan

Par Jean-François Ostermann    |   Lundi le 7 décembre 1998

Qui se souvient encore de la réforme monétaire chinoise du 19 août 1948? Son échec et l'effondrement du régime qui l'organisa l'ont précipité dans les oubliettes de l'histoire. Il n'y a plus guère que les amateurs de papier-monnaie qui, de temps en temps, en rencontrent des souvenirs, au hasard des classeurs ou autres boîtes des marchands. Et encore les négligent-ils le plus souvent, faute de savoir les interpréter. Essayons de les remettre en situation, tant pour les débutants que pour les curieux.

Gold Yuan 1948 China

Un contexte de guerre civile

Il n'est pas nécessaire de remonter bien loin pour saisir le contexte. En 1945, la République de Chine sort de la Seconde Guerre mondiale dans le camp des vainqueurs. Elle figure même parmi les quatre «grands», avec les Etats-Unis, l'Union Soviétique et le Royaume-Uni, qui lui ont reconnu un siège permanent avec droit de veto au Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations Unies bien avant de le consentir à la France. Mais la Chine est aussi le plus faible de ces «grands». En guerre avec le Japon dès 1937, une bonne partie de son territoire est dévasté, ses pertes humaines et économiques sont énormes, ses finances obérées. Pis encore, l'unité et la reconstruction du pays s'avèrent compromises: lorsque le gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-Chek veut reprendre le contrôle des territoires précédemment occupés par les Japonais, il se heurte au Parti communiste chinois de Mao Zedong, qui dispose de sa propre armée, contrôle et administre tout ou partie de plusieurs provinces. Jusqu'au début de 1947, alors que la médiation des Etats-Unis tente encore d'éviter la guerre civile, le gouvernement nationaliste semble reprendre le dessus. Puis, malgré l'aide matérielle américaine dans un conflit désormais ouvert, il perd définitivement le contrôle de la Chine du nord au printemps 1948 tandis que ses contre-offensives piétinent.

Une monnaie délabrée

L'incertitude de la situation politique et militaire ne manque pas de se répercuter sur la monnaie nationale, le yuan ou dollar chinois, étant entendu qu'il n'est question ici que des émissions générales de la Banque centrale de Chine, et non de ses émissions spéciales ou de celles des différentes banques créées dans les régions sous contrôle communiste. De vigoureuse, l'inflation devient galopante. L'évolution du cours du dollar US en constitue l'indicateur le plus commode.

De mars 1946 à février 1947, le cours officiel du dollar US passe de 2.020 à 12.000 yuan. A partir du 17 août 1947, ce cours officiel n'est plus retenu que pour quelques importations, tandis qu'est créé un marché ouvert, dont le cours est valable pour la plupart des transactions. Le dollar US y grimpe à 90.000 yuan tandis que le cours du marché libre atteint 145.000 yuan pour un dollar US à la même date. Enfin les cours au 18 août 1948 donnent toute la mesure du délabrement de la monnaie chinoise à la veille de sa réforme: 8.287.000 yuan pour un dollar US sur le marché ouvert, 12.000.000 yuan sur le marché libre, mais «seulement» 20.000 yuan au cours officiel.

Ce dernier explique sans doute pourquoi, en dépit de la dépréciation croissante de sa monnaie à l'extérieur, le gouvernement nationaliste n'ait pas émis de coupures d'une valeur faciale supérieure à 10.000 yuan. Encore ces émissions sont-elles massives, puisqu'au moins trois imprimeries chinoises et deux étrangères (l'américaine Security Banknote Company et l'anglaise Thomas De La Rue) produisent ce nominal en au moins huit types différents jusque dans leurs formats. Il n'est pas possible de d'avancer ici une chronologie ou une géographie de leur émission, mais il est permis de supposer qu'ils n'ont pas tous circulé simultanément et sur toute l'étendue du territoire sous contrôle nationaliste.

Faire du neuf avec du vieux

Deux indices permettent de supposer que le principe d'une réforme monétaire a dû être retenu assez à l'avance par le gouvernement nationaliste. Un billet de 50.000 yuan encore daté 1947 et imprimé aux Etats-Unis n'a pas été mis en circulation, et bien que la réforme n'ait lieu qu'à l'été 1948, seule une émission de yuan à usage régional porte encore cette date.

La réforme intervient le 19 août 1948, avec la création d'une nouvelle unité monétaire, le gold yuan ou dollar-or, divisé en 100 cents et valant 3 millions de yuan anciens, le cours de change étant fixé à 4,05 gold yuan pour un dollar US, ce qui équivaut à officialiser le cours de l'ancien yuan sur le marché libre.

En dépit de cet alourdissement conséquent de la monnaie chinoise, les espèces mises en circulation lors de la réforme ne comprennent aucune monnaie métallique, seulement des billets. Autre particularité, qui en a certainement facilité l'exécution, le renouvellement de la masse monétaire se fait essentiellement grâce à d'anciens stocks de billets.

Le gouvernement nationaliste met en circulation des coupures de 10 et 20 cents datées de 1946, ainsi que de 1, 5, 10, 20, 50 et 100 yuan datées de 1945. Gardées en réserve parce que la dépréciation de l'ancien yuan rendait leur émission vaine, ces coupures à faibles valeurs faciales peuvent être utilisées telles quelles sans grand risque de confusion, puisque l'inflation a déjà ôté toute valeur marchande et fait disparaître les billets de 100 yuan anciens et moins.

Tous ces billets se signalent par leur impression étrangère et par une innovation dans leur illustration. Ceux de 1945 sont produits par l'American Banknote Company et ornés des portraits de Tchang Kaï-chek ou Lin Sun, les deux se trouvant réunis sur la coupure de 100 yuan; le portrait du fondateur de la République de Chine, Sun Yat-Sen, jusqu'alors omniprésent sur les billets chinois, ne figure plus que sur une coupure de 50 yuan, dont il existe d'ailleurs un doublet à l'effigie de Tchang. Ceux de 1946 sont produits par Thomas De La Rue et uniquement à l'effigie de Tchang. La monnaie témoigne de la personnalisation du pouvoir dans un régime menacé.

A ce premier groupe de billets vient s'ajouter celui des coupures datées de 1948, produites cette fois par quatre imprimeurs différents: les chinois Central Printing Factory (50 cents, 10, 20, 50 et 100 yuan) et Chung Hua Book Company (20, 50 et 100 yuan), l'américain Security Banknote Company (50 cents et 50 yuan) et l'anglais Thomas De La Rue (50 yuan). Sur tous ces billets figure le portrait de Tchang Kaï-chek.

Avec la cohabitation de plusieurs billets différents pour presque toutes les valeurs faciales (jusqu'à six pour celle de 50 yuan), cette réforme laisse une impression de confusion, encore que l'on puisse supposer que certains billets aient été rapidement retirés.

L'éphémère illusion d'une monnaie forte

Mais le rétablissement monétaire nationaliste est de courte durée. Le nouveau gold yuan doit être dévalué dès le 11 novembre 1948, le cours du dollar US passant de 4,05 à 20 gold yuan tandis qu'est établi un système de certificats de dégagement de change: toutes les recettes de change sont à livrer à la Banque centrale de Chine contre remise de certificats négociables en dollars US. La suite n'est plus qu'une brève mais vertigineuse descente aux enfers. En dix mois, pendant que les communistes entrent dans Pékin, franchissent le Yang-tsé et prennent Nankin puis Shanghaï, la valeur faciale du plus gros billet en circulation passe de 100 à 5.000.000 et le gold yuan s'effondre jusqu'au trente-cinquième de la valeur de son prédécesseur! En septembre 1949, il faut 425 millions de gold yuan pour un dollar US sur le marché libre lorsque le gouvernement nationaliste évacue la Chine continentale pour se replier sur Formose. La voie est libre pour le jen min piao, ou dollar de la Banque du peuple.

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