Je croyais comme plusieurs qu'une fois dans l'isoloir les électeurs changeraient de cap et n'oseraient pas élire un afro-américain comme président.
Comme à la dernière élection (2004), je croyais dur comme fer que les gaffes de Bush le tasseraient du pouvoir, tellement les Républicains enlignaient les mauvaises décisions.
De voir Bush coiffer John Kerry au final, même avec un résultat presque aussi serré qu'en 2000 contre Al Gore, m'avait scié les jambes, en plus de me convaincre de l'ultra-conservatisme états-unien.
Toutefois, le 4 novembre dernier, les États-Unis ont plutôt choisi d'écrire une page d'histoire. Quand on connait un tant soit peu l'histoire des É-U, cette élection représente un pas énorme en avant.
Au départ, force est d'avouer qu'Obama est un excellent orateur, à la fois calme et rassurant. Dans la conjoncture actuelle, les États-uniens avaient besoin d'un représentant capable de raviver le rêve ("yes, we can") et l'espoir ("hope").
Cependant, je crois que l'autre partie de son succès réside dans le fait que les Républicains ont connu 2 mandats épouvantables, et ce dans plusieurs perspectives:
-patriotique: le 11 septembre 2001, les États-Unis ont changé après la destruction de 2 symboles: la disparition totale des 2 tours du WTC (atteinte au coeur économique), ainsi que la destruction d'une aile du Pentagone (vulnérabilité du QG de la plus grosse armée du monde).
Certes, le "9/11" est venu souder les États-uniens autour d'une même cause, grosso modo la "défense de la démocratie", mais il a aussi eu l'effet pervers de faire reculer les libertés individuelles ("Patriot act") et d'entraîner des décisions impulsives (arrestations et détentions injustifiées, invasion de l'Irak sous prétexte de présence d'ADM -armes de destruction massive-).
-économique (faillite de géants -ex:Enron-, crise du crédit, baisse de la valeur du $ US, chute des bourses...)
-diplomatique (décisions unilatérales, pressions pour que d'autres pays se joignent à leurs guerres, déni de l'ONU, parler de "vieille Europe"...)
-militaire (plus de 4000 soldats US tués, des centaines de milliers de civils blessés ou tués... et aucune amélioration significative sur le terrain; un arrière-goût de Vietnam...)
-juridique (Invasion de l'Irak avec l'aide du simili-coalition sans l'aval de l'ONU, non-application des lois états-uniennes à Guantanamo, dérogation aux règles de la convention de Genève, Saddam Hussein lynché...)
-environnemental (rejet de Kyoto, refus de toute action écologique qui entrave l'économie)
Bush est l'un des présidents les plus détestés du monde et il quitte avec une cote de popularité à son plus bas.
Imaginez-vous maintenant dans les souliers de McCain...
Ce n'est pas pour rien que Bush a été invisible durant cette campagne, McCain cherchant à se dissocier de son prédécesseur.
Toutefois, les dégâts étaient trop importants dans le coeur et l'âme du peuple, et lorsqu'ils ont vu que l'alternative se trouvait chez ce "jeune" sénateur de l'Illinois, qui leur promet un meilleur partage des richesses, des politiques plus "centristes", qui leur dit de manière pragmatique "oui ça va mal, oui ça va être dur, mais oui on peut le faire (yes, we can)", ils ont embarqué dans le projet optimiste que le candidat démocrate leur proposait.
Est-ce que le discours d'Obama aurait trouvé autant d'écho si les États-Unis n'étaient pas "tout croches"? Je ne crois pas.
Vous pouvez voir le profil de l'électorat, à savoir quel groupe a voté pour qui, ici:
http://www.cnn.com/ELECTION/2008/results/polls/#USP00p1
Bref, je crois que Barack Obama, par ses idées, ses discours, son attitude, pour ce qu'il représente en tant qu'afro-américain, incarne le renouveau du peuple états-unien.
L'héritage désolant des Républicains n'a fait que catalyser la confiance du peuple en Obama.
Enfin, pour le futur, le nouveau président ne l'aura pas facile. Les défis sont réels, gigantesques, et tout ne se rétablira pas en quelques mois. Je crois que l'élection du démocrate va venir apaiser certaines tensions internationales, car l'image du modéré a beaucoup circulé, au point où la planète appuyait Obama! Bien entouré, il pourrait bien continuer d'écrire l'histoire.
Côté sécurité, j'ai l'impression que ce sera du jamais vu. Mais les États-Unis étant ce qu'ils sont, Barack Obama est définitivement une cible, et il ne faudrait malheureusement pas se surprendre qu'on tente de l'éliminer. La menace ne tient pas de la paranoia; elle est absolument réelle et probable.
Mais rien ne pourra effacer le pas de géant que les États-Unis ont fait le 4 novembre.